Afterwork **GRATUIT - Les Femmes dans les Contes d'Europe avec Manuelle Bornibus

affiche conférence par manuelle bornibus

Cette conférence vient de la volonté de partager mes recherches sur la place des femmes dans l’invention, la transmission des contes, la façon dont elles ont été peu à peu effacées de ce rôle prépondérant dans la formation des sociétés orales qui ont précédé la culture judéo-chrétienne en Europe Occidentale. Comment s’est opéré ce processus est une question très large à partir de laquelle j’ai interrogé l’évolution des personnages féminins dans les contes d’Europe. Ce questionnement m’a amené à formuler différentes hypothèses et à proposer des interprétations nouvelles de certains motifs de contes peu interprétés ou interprétés avec des biais très différents de celui du genre. L’objectif de la conférence est de présenter ces hypothèses, de présenter mon interprétation de certains motifs de contes et d’apporter un regard neuf sur ce qu’il convient d’appeler « Les contes merveilleux ». L’échange avec le public est bien venu et cette conférence prend volontiers un tour interactif.

Pour info : j’ai déjà présenté des conférences sur la symbolique des contes pour l’université pour tous de Saint Etienne, pour des médiathèques et dans le cadre de la fête du livre. Je présente en ce moment un spectacle « Pour en finir avec Barbe Bleue » qui jette un éclairage critique sur le conte de Charles Perrault et met en lumière la persistance des féminicides dans nos sociétés contemporaines.

RDV le jeudi 12 octobre 2023 DE 18H À20H
Sur réservation au 09 78 80 15 46

Le petit mot de Manuelle

La pratique des contes, la réflexion sur les mythes et légendes ont accompagné les différentes étapes de mon parcours et cette passion m’a parfois menée très loin, en Norvège, en Egypte, en Chine, au Tibet… Lorsque j’étais enfant, je me voyais, plus tard, metteuse en scène ou anthropologue, voire écrivaine…

J’ignorais encore ce que voulais dire « devenir une femme ». Les expériences douloureuses et humiliantes que cela m’imposerait n’étaient même pas imaginables pour moi. Elles m’ont pourtant jetée hors de ma famille avant que je n’ai pu avoir mon baccalauréat. Je n’ai obtenu celui-ci qu’à vingt trois ans en assumant un enfant qui n’avait pas un an. Ainsi, j’ai fait mes études « en cours d’emploi »et la plupart du temps sans revenu fixe. Malgré les difficultés, mon envie de découvrir d’autres cultures et de comprendre les significations des grands récits de l’humanité m’est restée comme chevillée au corps. C’est avec cette préoccupation que j’ai tracé un parcours chaotique parsemé de rencontres désespérantes mais aussi de rencontres magnifiques, celles de musicien.nes, de peintres, de femmes ou d’hommes pour lesquel.es l’art ou la recherche intellectuelle étaient la source d’une énergie qui ne laissait pas en paix. Cette paix, dont j’avais grand besoin pourtant pour panser mes blessures et mener mon fils jusqu’à l’âge ou il pouvait prendre son autonomie, je l’ai trouvée dans le cadre d’un village en bord de Loire. Là, entretenant mon jardin et me chauffant avec le bois que je coupais, je me suis livrée à des activités simples et créatives comme le tissage et la création de vêtements. La sobriété et la dépense raisonnée des ressources ne sont pas des principes pour moi mais plutôt une seconde nature qui me fait passer parfois pour « éco-féministe radicale » ce qui m’étonne d’autant plus que sans cette faculté d’adaptation et l’art de vivre intensément avec très peu, il me semble que je serai devenue folle.

Dans les interstices de ces saisons laborieuses, j’ai composé mon répertoire de conteuse. J’ai passé, vaille que vaille, quelques diplômes, pour m’arrêter tardivement dans cette quête de réparation d’une jeunesse brisée avec un diplôme de Hautes Etudes des Pratiques Sociales. De chacun de mes voyages, de chacune de mes amitiés avec des musicien.es et chanteuses, j’ai fait un spectacle « conte et musique ». C’était ma façon de dire que, malgré des épreuves imprévisibles, on peut « s’en sortir », entreprendre un quête et la poursuivre, sans parler de moi, de mes cicatrices et des années perdues à rassembler les pièces du puzzle qu’était ma personnalité, mon corps, mes facultés cognitives. Lorsque je tenais à nouveau debout et qu’il me semblait que ma tête recommençait à fonctionner normalement, j’ai démonté mon métier à tisser et j’ai enseigné le français à des femmes étrangères, j’ai animé des groupes de femmes dans les foyers de France Terre d’Asile, je suis intervenue comme formatrice auprès de travailleurs sociaux, etc… Au début des années 2000, j’ai vécu à Shanghaï. Dans mon logement au coeur d’un quartier populaire, des jeunes filles, étudiantes en français, me racontaient leurs déboires amoureux et leur espoir d’une vie meilleure. Lorsque je revenais en France pour fuir l’été caniculaire de l’Asie du Sud Est, j’ai co-animé des stages résidentiels sur l’art de conter et la symbolique des contes avec une personne qui était à la fois thérapeute, écrivain, conférencier et que mon approche des contes intéressait. Notre collaboration, qui a duré huit ans, m’a aidée à assumer l’amplitude de mon expérience humaine et l’exigence des questions qu’elle me posait.

Finalement, j’ai compris que je ne pourrai faire l‘impasse sur la violence systémique des sociétés dans lesquelles j’avais souffert, aimé, vécu. J’ai compris qu’être une femme avec un exigence de vérité impliquait que mon approche des contes, ma pratique professionnelle ou encore des analyses des contes et récits que je lisais ou interprétais devaient prendre clairement en compte la question du rapport entre les genres tels qu’ils sont imposés comme réalité première. Il y a huit ans, j’ai rassemblé toutes ces expériences de vie dans un projet dédié à des femmes victimes de violences et à leurs enfants. Pour le réaliser, j’ai fondé une association « Les Ami.es de l’Echappée Belle » qui me prend beaucoup de temps mais m’apporte aussi beaucoup de joie et d’énergie. En 2020, la rencontre d’un groupe de conteuses et d’anthropologues qui veulent sortir de l’invisibilité le rôle primordial des femmes dans la transmission des contes m’a confirmée dans mon désir d’écrire un livre sur ce sujet. Ce fut l’occasion de découvrir pourquoi la plupart des interprétations des contes en ma connaissance m’avaient laissée insatisfaite. Les deux années d’intériorité imposées par la pandémie furent l’occasion de me plonger dans les relations entre l’histoire des femmes en Europe et celle de la transmission des contes. Ma façon de comprendre leurs personnages, féminins, mais aussi masculins, l’un et l’autre se définissant en miroir, déformant le plus souvent, s’est encore approfondie. La période de confinement m’a imposé une pause dans une vie sociale maintenant pleine et riche bien qu’elle ait si mal commencé. J’ai mis ce temps à profit pour revisiter les contes d’Europe à la lumière de l’histoire des relations entre les femmes et les hommes, histoire fortement marquée par le patriarcat, comme on le sait… Mais nous ne sommes pas forcées d’accepter que cet état de fait perdure « ad eternam ».